Villa van Eyck : restitution de résidence 2022-2023 avec Jeanne Berbinau Aubry 

Résidente de la Villa van Eyck 2022-2023, Jeanne Berbinau Aubry a présenté à l’occasion des Open Studios de la Jan van Eyck Academie à Maastricht, un projet sur la bioluminescence intitulé « LUC(IOL)E ».

Artiste lauréate de la Villa van Eyck 2022-2023, Jeanne Berbinau Aubry clôture sa résidence de recherche par une courte restitution au public et aux professionnels.  

Du 22 au 25 juin 2023, à l’occasion des Open Studios de la Jan van Eyck Academie à Maastricht, l’artiste a présenté un projet sur la bioluminescence intitulé « LUC(IOL)E ». 

Installée dans la salle des archives de la Jan van Eyck Academie, la restitution du projet est composée d’une série de sculptures mettant en œuvre des micro-organismes bioluminescents activés par le biais d’un dispositif sonore, diffusant au sein de l’espace les œuvres sonores des autres résidents émises au même moment dans le reste du bâtiment. En parallèle, une sélection de citations provenant des ouvrages composant la bibliographie de la Survivance des lucioles de Georges Didi- Huberman, en extension à sa lecture, viennent ponctuer l’espace. 

La bioluminescence est un phénomène chimique naturel qui permet à certains organismes vivants d’émettre de la lumière grâce à la réaction entre elles de molécules complémentaires. Elle constitue toujours de la part de l’être qui l’active, une réaction à son environnement, qu’il s’agisse de l’utiliser pour séduire ou pour se défendre. Dans les deux cas, la bioluminescence représente la manifestation d’un état, de peur ou d’excitation. On pourrait même dire, le signe d’une forme de sentiment. Ce type de phénomène constitue un écho naturel à la notion de « comportements matériologiques », définissant un pan important des préoccupations artistiques de Jeanne Berbinau Aubry. 

Pour questionner cette idée de « production de lumière sensible », les recherches de l’artiste pour ce projet se sont notamment appuyées sur la Survivance des lucioles de Georges Didi-Huberman. Il s’agissait bien sûr d’étudier et mieux comprendre la nature même du fonctionnement de la bioluminescence, mais aussi, comme le fait l’auteur dans son ouvrage, d’en explorer les dimensions métaphoriques les plus larges. Il y parle de Pier Paolo Pasolini, qui a en effet utilisé les différentes sources de lumières existantes et les rapports de hiérarchie et d’influence qui existent entre elles, pour incarner une partie de sa vision politique de l’art et du monde. Cette interprétation poétique empreinte d’une ironie désabusée représente la perspective d’une possible réponse à certains questionnements plastiques, tout autant qu’un point d’ouverture particulier vers des domaines tels que l’écologie ou les sciences humaines ou la philosophie. 

Se construit, ainsi dans l’obscurité des archives de la Jan van Eyck Academie, une étrange conversation entre Pier Paolo Pasolini, du plancton bioluminescent et les résidents de l’Academie. 


LUC(IOL)E, 2023, dimensions variables, Pyrocystis fusiformis, chaîne, transducteurs, dispositif sonore, adhésif phosphorescent. Projet mis en œuvre grâce au soutien de la Jan van Eyck Academie et de l’Institut français NL. 


Légende : LUC(IOL)E, 2023. 
Vue d’accrochage, Jan van Eyck Academie 
© Hye Joo Jun

Vue de l’un des trois dispositifs sculpturaux présentés dans les archives de la Jan van Eyck Academie. Suspendus au moyen d’une chaine en acier fixée au plafond, chaque flacon de plexiglass renferme une culture de plancton bioluminescent, capable de produire une lumière bleue entièrement naturelle. 

Légende : LUC(IOL)E, 2023. 
Vue d’accrochage, Jan van Eyck Academie 
© Jeanne Berbinau Aubry 

Citation tirée de l’Interprétation des Rêves, de Sigmund Freud, ouvrage présent dans la bibliographie de la Survivance des Lucioles. Intégrée à l’espace grâce à un adhésif luminescent, cette phrase est issue d’une série de 20 citations venant à la fois contextualiser et ouvrir les matérialisations plastiques du projet, sur ses dimensions plus théoriques. 

Légende : LUC(IOL)E, 2023. 
Vue d’accrochage, Jan van Eyck Academie 
© Hye Joo Jun 

Vue rapprochée de l’une des cultures de plancton bioluminescent. Les organismes ici présents, appelés Pyrocystis fusiformis, évoluent dans un milieu d’eau de mer enrichie en nutriments. Leur activation permet d’observer de près la production de lumière naturelle. 

Légende : LUC(IOL)E, 2023. 
Vue d’accrochage, Jan van Eyck Academie 
© Hye Joo Jun

Les Pyrocystis fusiformis émettent de la lumière lorsque le milieu dans lequel elles évoluent est perturbé. Afin de rendre le dispositif autonome, ce sont des fréquences sonores diffusées au moyen de transducteurs qui sont utilisées pour provoquer des vibrations, et donc du mouvement, au sein des milieux de cultures. 

LUC(IOL)E, 2023. 
Vue d’accrochage, Jan van Eyck Academie 
© Hye Joo Jun

Lorsque les Pyrocystis sont stimulées par les fréquences sonores diffusées, les enzymes responsables de leur bioluminescence (appelées luciférine et luciférase), réagissent entre elles pour produire une lumière bleue naturelle, dont l’intensité́ est relative à la puissance des vibrations et de l’agitation ressentie par les Pyrocystis. 

Légende : LUC(IOL)E, 2023. 
Vue d’accrochage, Jan van Eyck Academie 
© Jeanne Berbinau Aubry 

Citation tirée du texte Anti-Oedipe, dans Kafka, pour une littérature mineure, co-écrit par Gilles Deleuze et Félix Guattari. L’existence physique de citations issues des ouvrages ayant nourri la rédaction de la Survivance des Lucioles de Georges Didi- Huberman, fait écho à la dynamique inhérente à tout processus de recherche et de création s’inscrivant dans une logique post-moderne. 

Légende : LUC(IOL)E, 2023. 
Vue d’accrochage, Jan van Eyck Academie 
© Jeanne Berbinau Aubry 

Selon la temporalité́ mise en place par le programme sonore qui régit l’installation, chaque culture de Pyrocystis est stimulée de façon autonome. Parfois, les diffusions se superposent, et les cultures présentes sur une même sculpture peuvent alors s’éclairer de façon simultanée. 

Légende : LUC(IOL)E, 2023. 
Vue d’accrochage, Jan van Eyck Academie 
© Jeanne Berbinau Aubry 

Vue rapprochée des Pyrocystis en phase d’émission lumineuse provoquée par les vibrations sonores. Chaque composition diffusée dans l’espace provient d’œuvres réalisées par les autres résidents de la Jan van Eyck Academie, insufflant au projet une dimension collaborative. Se crée alors une sorte d’étrange dynamique conversationnelle entre la Jan van Eyck Academie, du plancton bioluminescent, et Pier Paolo Pasolini. 

Légende : LUC(IOL)E, 2023. 
Vue d’accrochage, Jan van Eyck Academie 
© Yaen Levy 

Vue de l’artiste dans son processus de travail. Électronique, programmation, expérimentions, recherche théorique, spatialisation sonore et installation in-situ, sont autant d’éléments participant à définir la dynamique du projet et sa mise en œuvre. 

À propos

La Villa van Eyck est une résidence artistique proposée par l’Institut français NL et la Jan van Eyck Academie à Maastricht, ouverte à des artistes de France qui souhaitent développer une recherche originale. 

Partenaires

  • Co-organisé par : Institut français NL ; Jan van Eyck Academie 
  • Avec le soutien de : La Fabrique des résidences de l’Institut français Paris 
  • Photographie : Légende : LUC(IOL)E, 2023. Vue d’accrochage, Jan van Eyck Academie © Hye Joo Jun