Artiste française basée à Rotterdam et en résidence à la Jan van Eyck Academie à Maastricht en 2020-2021 avec le soutien de l’Institut français des Pays-Bas, Erika Roux explore les complexités enracinées dans les relations, les identités et les interactions au sein de nos sociétés.
Quelles étaient tes attentes pour cette résidence artistique à la Jan van Eyck Academie ?
« Être résidente à la Jan van Eyck Academie, c’était pour moi avoir la chance d’avoir le temps nécessaire et un lieu stable pour développer mon travail dans les meilleures conditions. C’est aussi avoir l’opportunité d’intégrer une nouvelle communauté d’artistes. Hors d’un cadre éducatif, il est difficile en tant qu’artiste de trouver une stabilité et de continuer à faire des rencontres sans structure mais c’est pourtant nécessaire pour pouvoir évoluer dans son travail. »
La Jan van Eyck Academie réunit chaque année près de 45 participants de toutes nationalités. Cette communauté internationale de créateurs a-t-elle influencé ton travail ?
« Bien sûr. Ce qui est le plus intéressant dans ce genre de résidence est la communauté dans laquelle on se trouve immergé. C’est passionnant et parfois très intense de se retrouver dans ce grand bâtiment, à travailler les uns à côté des autres, on crée des liens très forts avec des gens venant de pays différents et aillant des pratiques artistiques, des expériences, un passé et des réalités sociales différentes. On en sort souvent un peu perdu, mais c’est aussi la beauté de la chose. Ma pratique artistique est très influencée par la culture du pays où je vis et par les écoles qui m’ont formées, et c’est en rencontrant des artistes venant d’ailleurs qu’on s’en rend compte et que l’on prendre de la distance. C’est enrichissant et c’est une leçon d’humilité. En travaillant par exemple avec des artistes qui arrivent directement de pays hors d’Europe, on est très vitre confronté aux inégalités et difficultés que ces artistes peuvent avoir à surmonter. Ce genre d’expérience a clairement un impact important sur notre art et notre manière de comprendre notre rôle en tant qu’artiste. »
Avant la crise de la Covid-19, tu filmais déjà ton espace privé. Qu’est-ce qui t’intéresse dans cette sphère intime ?
« L’espace privé est un espace particulièrement intéressant car en réalité c’est un espace très politiquement chargé. C’est le contenant de nos réalités subjectives mais on y trouve également des traces de nos réalités sociales qui sont, bien sur, deux choses intiment liés. Il est aussi un espace qui peut échapper, au moins temporairement, à certains prédéterminismes, et au contrôle de notre société. Pour moi, il devient le lieu de conversation entre mes sujets filmés, la caméra et moi qui me permets d’évoquer des problématiques complexes. J’éprouve une très grande gratitude envers les personnes qui m’ont laissé filmer ces espaces normalement protégés des regards car on m’autorise l’accès à des moments vulnérables et intimes. »
Tu as grandi dans une famille bilingue franco-allemande, dans quelle mesure cela a influencé ton travail ?
« Ma mère est allemande et mon père est français. Je n’ai jamais parlé allemand couramment car à la maison nous ne parlions que français mais je pense que le fait qu’il y ait une partie de moi, de mon passé qui reste un mystère et inexploité m’a fait comprendre que nos identités sont complexes et ces complexités et contradictions de nos identités sont un thème très récurrent dans mon travail. L’idée d’appartenance à un pays ou à une culture par exemple, c’est une chose ambiguë et indéterminée. »
Quelles sont tes envies pour des projets futurs ? Envisages-tu un retour en France ou souhaiterais-tu continuer à travailler aux Pays-Bas ?
« J’ai fait tout mon parcours artistique aux Pays Bas, retourner en France me paraît difficile mais j’aimerais pouvoir créer plus de lien avec la scène artistique française. Je vais retourner vivre à Rotterdam et travailler sur de nouveaux projets et collaborations qui se profilent. Je vais travailler sur la publication d’un livre en lien avec mon dernier travail vidéo, en collaboration avec l’artiste graphiste français Rudy Guedj et sa maison d’édition Building Fiction. Je suis également en préparation d’un nouveau projet de film avec l’artiste Pilar Mata Dupont qui est une fiction qui traite de la relation des Pays Bas avec la mer et sa gestion des eaux. »
À propos
La Villa van Eyck est une résidence artistique proposée par l’Institut français des Pays-Bas et la Jan van Eyck Academie à Maastricht, ouverte à des artistes de France qui souhaitent développer une recherche originale.
Biographie
Erika Roux est une artiste basée à Rotterdam. Elle est titulaire d’un master en beaux-arts de l’Institut Piet Zwart de Rotterdam et d’une licence en beaux-arts de la Gerrit Rietveld academie d’Amsterdam. Outre sa pratique artistique individuelle, elle co-dirige actuellement WET, un collectif d’art vidéo basé à Rotterdam.
Informations
- Entretien : Erika Roux
- Programme : Villa van Eyck
- Résidence artistique : Jan van Eyck Academie
- Ville : Maastricht
- Site : www.erikaroux.com
- Avec le soutien de : Institut français des Pays-Bas
- Photo : Erika Roux © Rita Coudo